En janvier 2025, Moriké Kaloka a commencé un microprogramme en encadrement et gestion des ressources humaines, à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Originaire de la Côte d’Ivoire et père de cinq enfants, il détient un baccalauréat en droit et une maîtrise en enseignement. En arrivant au Québec en 2023 avec sa famille, il a fait reconnaître ces deux diplômes en suivant le processus d’évaluation comparative québécoise.
C’est alors qu’il était assistant juridique dans l’administration publique de son pays d’origine que son parcours prend un tournant important. En 2007, il a reçu un diagnostic de glaucome. Au fil des années, Moriké perdra petit à petit l’usage de ses yeux et la cécité approche maintenant à grands pas.
Dans ces conditions, trouver un emploi peut s’avérer complexe, notamment quand on vient de s’installer dans un nouveau pays. Celui qui a toujours été actif décide donc d’entamer un programme d’études et de commencer une nouvelle aventure.
Nous ne devons pas tenir la vie pour acquise, car nous sommes tous des personnes handicapées en sursis. Malgré les difficultés que nous traversons, il nous faut être résilients et persévérants. Et reconnaître les bonnes âmes qui nous aident à vivre pleinement et joyeusement pour atteindre nos objectifs. Nous ressentons moins la solitude lorsque les regards des autres sont bienveillants et empathiques.
Son désir de s’impliquer pour la communauté en Côte d’Ivoire a suivi Moriké Kaloka et, depuis juin 2025, il est membre du conseil d’administration de l’Association des personnes handicapées visuelles et aveugles des Laurentides.
Si chaque histoire est différente et unique, nous avons voulu en savoir plus sur son parcours et ce qui l’anime à faire ces études en administration publique.
Pourquoi avez-vous choisi l’ENAP pour votre projet d’études?
Ma situation de personne handicapée, combinée au fait que l’essentiel de ma formation et de mon expérience professionnelle a été fait à l’extérieur du Canada, ne facilite pas mon employabilité. J’étais donc à la recherche d’un projet. C’est ma sœur qui m’a parlé de l’ENAP la première fois et elle a vraiment insisté pour que je m’y inscrive!
Ma rencontre avec Catherine Normandin, conseillère aux services à la communauté étudiante à l’ENAP, a changé ma perception des études avec mon handicap. Son implication dans mon projet a ouvert pour moi le champ des possibles.
En me mettant en contact avec les personnes-ressources susceptibles de m’aider dans ce défi, elle a mis en place un plan d’action qui résout tous les problèmes d’accessibilité pour moi.
Yves Brillon et l’équipe de la Bibliothèque, Isabelle Gallard, scénariste pédagogique, Karine Audet, conseillère aux études, Dominique Boily, chargé d’enseignement, et Isabelle Ducharme, aussi chargée d’enseignement, se sont joints à nous et ont contribué à mon intégration. Cette équipe m’a offert des conditions d’apprentissage optimales!
À l’ENAP, je ne me sens pas différent des autres.
À quel genre de défis avez-vous eu à faire face dans votre parcours et comment les avez-vous surmontés ?
J’ai d’abord hésité à entreprendre ce projet, car je ne m’en sentais pas capable. Vivre avec un handicap visuel est un défi majeur. Par exemple, je prends le double du temps pour exécuter les tâches liées à la lecture et à la rédaction. Je dois aussi me familiariser avec différents outils techniques et technologiques adaptés à mon handicap.
Pour surmonter ces difficultés, j’ai l’appui permanent de Jean-François Bernard, du Centre de réadaptation visuelle Le Bouclier à Saint-Jérôme. Je peux aussi compter sur Andrés Santana de la Fondation INCA, pour tout ce qui touche mes appareils et logiciels de déficience visuelle. L’équipe de la Bibliothèque de l’ENAP a pris soins d'adapter les supports multimédias à mes appareils et la chargée d’enseignement et le chargé d’enseignement avec qui je suis mes cours ont rendu leur matériel accessible1 quand j’en ai eu besoin. De plus, j’ai aussi un plan d’intervention qui me permet, entre autres, d’avoir plus de temps pour mes évaluations,.
Et pour m’accompagner dans la rédaction et pour toutes mes questions relatives aux études, je peux compter sur mon mentor désigné, Gilles Benoît Banouekeni Yemock. La difficulté était due également au fait que j’affronte un nouvel environnement d’enseignement, soit les cours à distance et l’utilisation des appareils que cela comporte. Finalement, le retour aux études, après 15 ans et en situation de handicap, n’est pas toujours facile. Tout cela rend la tâche complexe.
Parlez-nous d’une réalisation dont vous êtes fier ?
En Côte d’Ivoire, j’ai participé à la rédaction des statuts et règlements intérieurs du Syndicat libre des agents du Trésor public de Côte d’Ivoire. Ce syndicat est un des acteurs majeurs de ce pays. Malgré la distance, je suis représentant de l’association Aile de Papier, en Côte d’Ivoire. C’est un petit organisme qui se spécialise dans la création de bibliothèques dans des écoles défavorisées. J’ai aidé à l’installation de l’une d’elles au sein d’un établissement secondaire à Kankan, en Guinée. Après une collecte de livres en France et la sélection des écoles qui pourraient profiter de ce service, nous avons pu leur remettre des centaines de livres.
Même depuis le Canada, je recherche des bienfaiteurs pour ces écoles défavorisées.
Est-ce qu’il y a une personne qui vous a inspiré plus particulièrement dans votre parcours ?
Mon inspiration vient de toutes les personnes handicapées, qui au quotidien n’ont jamais cessé de croire en leur rêve. Quel que soit leur domaine d’activité, elles ont rayonné. Je suis édifié lorsque je regarde les jeux paralympiques où les champions surpassent leur être pour émerveiller le monde. La biographie du célèbre chanteur Ray Charles, qui a démontré que la cécité n’est pas un obstacle à l’expression du talent artistique, est aussi une lecture qui m’a permis de voir les choses autrement.
À propos des programmes d'études de l'ENAP
L'ENAP propose une offre de cours et de programmes universitaires variée aux personnes qui souhaitent parfaire leurs connaissances. Que ce soit pour des programmes d'études de 2e ou de 3e cycles, les étudiantes et les étudiants ainsi que les personnes en emploi y trouvent un vaste choix pour répondre à leurs besoins et développer une carrière à leur image.