Les jeunes placé·es ont 10 fois plus recours à des services de santé mentale que les jeunes de la population en général. Plus important encore, les jeunes placé·es ayant vécu un ou des épisodes d’itinérance y ont 40 fois plus recours. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude portant sur de nombreux enjeux vécus par les jeunes ex placé·es quant à l’utilisation de services sociaux et de santé.
Réalisée par la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec (CRJ), l’étude Une consommation des services sociaux et de santé accrue par les jeunes adultes issu·es de la protection de la jeunesse présente des résultats importants sur la nature des services de santé et services sociaux reçus par les jeunes au Québec, des données encore plus éloquentes en ce qui concerne les soins en santé mentale. L’équipe du professeur Martin Goyette fait état d’importantes différences auprès de quatre catégories de jeunes de 18 à 20 ans :
- les jeunes de la population en général;
- les jeunes placé·es;
- ceux et celles ayant connu au moins un épisode d’itinérance;
- les jeunes sous double mandat.
Pour Martin Goyette, cotitulaire de la CRJ (volet Santé et bien-être) et professeur de l’École nationale d’administration publique (ENAP), notre société ne s’attarde pas suffisamment aux arrimages nécessaires devant favoriser le bien-être de ces jeunes aux prises avec un nombre démesuré de défis.
Le travail de l’équipe pointe plus que jamais sur le phénomène des portes tournantes, indique Martin Goyette. Alors que les jeunes ont des aspirations et des besoins, certains sous-groupes de jeunes, au lieu de bénéficier de services de santé et de services sociaux cohérents qui pourraient prévenir leur vulnérabilisation, connaissent davantage d’épisodes d’itinérance, d’hospitalisation et de prises en charge par les services correctionnels.
La consommation de services de santé
Il apparaît que pour la consommation de services, les personnes âgées de 18 à 20 ans issues de placements en protection de la jeunesse ont recours à 5 fois plus de demandes de services d’un centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) ou d'un centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) que les jeunes de la population générale du même groupe d’âge.
La santé des jeunes en chiffres
- 31,6 % des jeunes placé·es ont eu au moins une consultation avec un·e psychiatre alors que ce n’est le cas que de 5,4% des jeunes de la population en général.
- 17,4 % des hospitalisations des jeunes placé·es le sont pour des services en lien avec leur santé mentale, ce qui n’est le cas que pour 4,7 % des jeunes de la population générale.
Le rapport pointe, avec grande clarté, les besoins accrus des jeunes sous double mandat, à savoir à la fois sous la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ainsi, lorsque les jeunes sous double mandat sont hospitalisé·es entre 18 et 20 ans, ils et elles le sont 12,2 fois plus longtemps que les jeunes de la population en général.
En outre, 47 % des jeunes sous double mandat ont vécu au moins un épisode d’itinérance entre leur sortie de placement et 21 ans, alors que c’est 22 % pour les jeunes seulement placé·es.
Vision globale et mobilisation nécessaires en faveur du bien-être des jeunes
Ces constats, à la fois transversaux et multiples, rappellent l’importance de favoriser des actions intersectorielles qui prennent en compte l’interdépendance des sphères de vie, et ce, au-delà des actions en santé.
Tous les jeunes ont des forces et des ressources incroyables pour affronter les défis de la vie et contribuer à la société », ajoute le professeur Goyette. Réfléchir au bien-être des jeunes de notre société exige de leur donner voix au chapitre, de recentrer le débat sur l’importance d’un regard systémique des enjeux jeunesse et de prévention de la vulnérabilisation. Un leadership et une cohérence entre les actions des institutions gouvernementales sont à la base des moyens à mettre en place afin de continuer de favoriser des trajectoires d’enfance et de jeunesse épanouies.
Les jeunes de la population générale sont habituellement soutenu·es par leurs parents bien au-delà de l’âge de 18 ans. Il est donc impératif que le gouvernement, avec les actrices et acteurs communautaires, soutienne la sortie de placement pour prévenir l’itinérance. Il doit aussi s’engager à favoriser la scolarisation et l’accès aux différents services, notamment en vue de rétablir l’égalité des chances. Le bien-être des jeunes doit être placé au cœur de toutes les perspectives.
Nos résultats sont parlants : une approche axée sur la prévention et la réduction des vulnérabilités liées au placement doit être développée à partir d’une lecture longitudinale du bien-être des jeunes.
Une consommation des services sociaux et de santé accrue par les jeunes adultes issu·es de la protection de la jeunesse s’appuie sur les données de l’Étude longitudinale sur les devenir des jeunes placé·es (EDJeP) et sur le jumelage de données de la Régie de l’assurance maladie (RAMQ), de trajectoires de services et de placement en protection de la jeunesse et du suivi longitudinal quantitatif d’une cohorte représentative de jeunes sortant de placement.
Voir le Rapport complet et le résumé
Autres travaux de l’EDJeP
- Jeunes sous double mandat : Scolarisation et judiciarisation lors du passage à la vie adulte;
- Portrait des jeunes ayant été placés sous les services de la protection de la jeunesse et leurs défis en emploi;
- Itinérance, judiciarisation et marginalisation des jeunes ex-placés au Québec.
À propos de l'EDJeP
L'Étude longitudinale sur le devenir des jeunes placé·es (EDJeP) s'intéresse aux conditions de vie et de sortie des jeunes de 17 à 23 ans ayant été placé·es dans des services de protection de la jeunesse.
À propos de la CRJ
La Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec (CRJ) regroupe les forces vives de la recherche et de l’intervention sur la jeunesse afin d’accompagner le déploiement de la Politique québécoise de la jeunesse 2030.