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Nouvelle

Leadership exceptionnel ou d’exception?

23 septembre 2024
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Andrew Webb

En matière de leadership, les études sont nombreuses dans la littérature scientifique. Cependant, les types de leaders semblent avoir peu évolué, du moins dans la perception que peuvent en avoir les gens. C’est cette prémisse qui anime les travaux du professeur Andrew Webb, expert en développement du leadership et de la gestion et titulaire de la Chaire en leadership dans le secteur public à l’École nationale d’administration publique (ENAP).

Le chercheur de l’ENAP et la professeure Amélie Cloutier, de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), ont publié un article dans le Journal of Management Inquiry. Sous le titre « “It had to be us” : The Rudolph effect and the inclusion of unconventional leaders », ils y abordent le sujet du leadership et se penchent sur l’effet Rudolph, un phénomène qui décrit comment les personnes perçues comme marginales, inadaptées ou francs-tireurs dans une équipe de direction peuvent être des membres compétents et appréciés.

Webb et Cloutier démontrent comment, dans certaines situations, le passage à un rôle de leadership de celles et ceux qui peuvent être perçus comme les indésirables du groupe peut profiter à une organisation.
 

Mais pourquoi l’effet Rudolph?

Inspiré d’un poème, Le Petit Renne au nez rouge est un chant de Noël, écrit par Johnny Marks en 1939 sous le titre « Rudolph, the Red-Nosed Reindeer ». Dans ce conte de Noël, le petit renne est ostracisé en raison de son nez rouge unique qui brille. Mais en réalité, même si son « p’tit nez faisait rire » et qu’on se moquait de lui, c’est cette différence qui lui permet de guider le traineau du Père-Noël à travers une tempête, sauvant ainsi Noël.

Dans ce contexte, sa dissemblance, un désagrément au début, devient un atout précieux pour l’équipe. Rudolph devient ainsi un leader, même s’il n’est pas charismatique et qu’il ne présente pas les qualités généralement attribuées aux personnes reconnues comme ayant du leadership. Il n’y avait que ce héros pour mener à bien la mission.

Le leadership, ne pas avoir l’air, mais avoir la chanson

Pour avoir du leadership, nul besoin d’occuper un emploi de gestionnaire. Certes, quand on pense « leadership », on pense souvent aux gens qui occupent une position professionnelle avec l’autorité de commander à des personnes subordonnées (poste de direction, de chef ou de cheffe d’équipe par exemple), ou encore à une position qui offre une sorte d’expérience transformationnelle (ici, nous pouvons penser à un guide spirituel, une personne influente dans les réseaux sociaux). 

Le leadership dont il est question dans cet article peut, quant à lui, se révéler chez des personnes qui ont simplement la capacité d’imaginer et de contribuer à un avenir possible, avec d’autres. On parle alors de leaders atypiques.

Quand on s’attarde sur les caractéristiques des leaders atypiques, il semble que le manque de confiance qu’on peut leur accorder est issu de l’image que les gens se font d’une dirigeante ou d’un dirigeant, de ce à quoi elle ou il doit ressembler, doit faire. Et parce qu’ils ne correspondent pas aux idées préconçues ou aux schémas de ce qu’est un dirigeant, on les considère comme non conventionnels.

« “It had to be us” : The Rudolph effect and the inclusion of unconventional leaders »

Outre l’expérience du fameux Rudolph, l’autrice et l’auteur font ressortir des cas qui permettent de distinguer les cas de leadership moins conventionnels.

« Nous avons voulu mieux comprendre le développement du leadership chez les dirigeants qui ne sont pas héroïques, charismatiques ou qui, dans la plupart des cas, ne répondent pas aux normes et aux attentes que nous avons élaborées concernant l’aspect, l’apparence et l’action d’un dirigeant », précise Andrew Webb.

L’article propose l’exemple du sauvetage d’une équipe de soccer dans la grotte de Tham Luang, en 2018 en Thaïlande. Les membres du groupe, alors âgés de 11 à 16 ans, et leur entraîneur se sont retrouvés coincé pendant 18 jours dans une grotte à la suite d’une inondation bloquant la sortie, après de fortes pluies. Outre l’incroyable couverture médiatique mondiale, c’est le leadership atypique d’une communauté de plongeurs et plongeuses de grottes sous-marines qui ont finalement réussi à les sortir de cette situation. Ces personnes ont pu dénouer cette situation et lui apporter un dénouement positif parce que justement, leurs expertises des endroits inusités leur ont permis de développer des compétences essentielles dans le sauvetage.

Ces personnes, généralement vues comme d’étranges outsiders pratiquant la plongée dans des endroits sombres et étroits, où personne ne veut généralement aller, se sont retrouvées responsables des décisions et de la mise en action du sauvetage du groupe. 
 

Par conséquent, nous supposons que deux facteurs faciliteront l’émergence de ce que nous appelons « l’effet Rudolph ».

  1. L’incapacité des leaders et héros conventionnels à résoudre la crise; 
  2. Les leaders non conventionnels ont eu l’occasion de démontrer leurs capacités de manière à passer du statut d’aide non conventionnelle à celui d’aide digne de confiance.

« “It had to be us” : The Rudolph effect and the inclusion of unconventional leaders »

Soutenir le leadership atypique

En conclusion, l’article suggère aux organisations de promouvoir l’effet Rudolph dans leurs équipes, en laissant un espace aux leaders atypiques dans leurs activités quotidiennes ou pour des projets exceptionnels. 
 


En effet, nous suggérons aux managers de fournir délibérément un espace à leurs assistants non conventionnels pour démontrer les compétences, la motivation et le capital nécessaires pour faciliter leur transformation en tant qu’aidants dignes de confiance dans l’esprit des autres membres de leur groupe. C’est important puisque, comme nous l’avons démontré, passer d’aides non conventionnelles à des aides dignes de confiance semble être une condition préalable pour devenir, si nécessaire, un Sujet/Expéditeur ou un leader non conventionnel qui peut intervenir lorsque tout semble perdu. 

« “It had to be us” : The Rudolph effect and the inclusion of unconventional leaders »
 

Dans certaines circonstances, l’inclusion d’un leadership atypique sans aucun pouvoir coercitif ou hiérarchique permet à l’équipe et à l’organisation d’apporter une plus-value à la résolution d’un problème ou d’une situation critique.

Les gestionnaires et les leaders pourraient bénéficier d’une réflexion sur la façon d’inclure des individus non conventionnels dans la gestion, le leadership ainsi que dans les postes de gestion de crise.
Andrew Webb

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