Chaque printemps, les ministres des Finances du Québec et du Canada présentent leur budget. Ceux de 2017 seront les premiers soumis sous l'ère Trump. Il y a fort à parier qu'ils seront marqués d'une grande prudence en raison des aléas qui pèsent sur l'économie.
« Les orientations budgétaires déjà affichées seront maintenues, mais les projections budgétaires devraient être assorties de réserves de prudence assez substantielles pour atténuer les risques qui pourraient survenir au cours de la prochaine année financière », estime Paul-Émile Arsenault, administrateur invité à l’ENAP et coauteur du chapitre « Le budget de l’État : le cas du Québec » dans l’ouvrage « Secrets d'États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains ».
B.A.-ba du processus budgétaire
Le budget d’un gouvernement n’est pas comme celui d’un individu :
- Le budget d’un gouvernement doit être autorisé par le Parlement selon une procédure parlementaire très stricte et très ancienne. En vertu du principe de la suprématie du parlement, tout impôt et toute dépense doivent être autorisés par loi.
- Un nouveau budget doit être présenté chaque année au Parlement et l’autorisation donnée pour l’utilisation des crédits de dépenses n’est valable que pour une période de douze mois qui s’étend, au Canada et au Québec, du 1er avril au 31 mars.
Un instrument puissant
La présentation annuelle du budget est l’un des instruments les plus puissants dont dispose l’État. C’est le moment pour le parti au pouvoir de mobiliser des ressources afin de donner suite aux engagements contractés et procéder à des arbitrages souvent délicats sur des enjeux de société. Cela peut se faire en ajustant soit le niveau des taxes, soit le niveau des dépenses publiques.
Le budget sert ainsi d’instrument au gouvernement pour :
- communiquer ses priorités et ses orientations à la population
- annoncer des mesures visant à agir sur l’économie ou sur la redistribution des revenus dans la société
Pour les experts en finances publiques, un budget est réussi s’il permet non seulement d’assurer la pérennité des services publics, mais aussi de faire les bonnes choses de la bonne façon. En langage plus technique, le budget doit concilier trois grands objectifs :
- Garder la maîtrise des finances publiques afin de préserver leur viabilité à long terme
- Allouer les ressources de manière efficace, c’est-à-dire en fonction des priorités gouvernementales et des objectifs fixés par les politiques publiques
- Veiller à la prestation efficiente des services publics de façon à optimiser le rendement des ressources disponibles et répondre aux attentes des contribuables
C’est le ministre des Finances qui est le maître d’œuvre de la politique budgétaire du gouvernement. C’est dans le cadre du Discours sur le budget que sont fixés le niveau et la composition des revenus et dépenses de même que le solde budgétaire.
Pour sa part, le président du Conseil du Trésor est responsable de l’établissement du Budget de dépenses, qu’on appelle communément « Les crédits ». C’est en vertu de ce Budget de dépenses que sont déterminées les enveloppes de dépenses attribuées à chaque ministère.
Dynamique politique et économique
Les choix budgétaires obéissent à une dynamique qui est façonnée par l’environnement dans lequel opèrent les acteurs politiques, incluant les débats qui agitent la société et aussi d’autres facteurs sur lesquels ils n’ont que très peu de contrôle. L’un de ces facteurs est la conjoncture économique puisque celle-ci a un impact direct sur la progression des revenus.
Tant pour le Québec que pour le Canada dans son ensemble, la vitalité de l’économie dépend pour beaucoup des exportations sur le marché américain. Les prévisions économiques utilisées pour la confection des budgets de 2017 seront donc fortement affectées par les incertitudes liées à la volonté manifestée par l’administration Trump de renégocier les termes de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
Facteurs « structurels »
Dans le cas du Québec, les choix budgétaires sont aussi fortement dépendants de facteurs dits « structurels ». Tel est le cas du vieillissement de la population qui tend d’une part, à freiner la progression des revenus et d’autre part, à engendrer de fortes pressions sur les dépenses de santé.
La dette accumulée a aussi comme conséquence d’obliger le Québec à consacrer au service de dette environ 10 % de ses revenus. Il s’agit de sommes très importantes qui servent à financer des services passés et qui, par conséquent, ne peuvent être affectées au financement des services actuellement dispensés à la population.
À tous ces facteurs s’ajoute une grande rigidité dans les dépenses qui amène généralement les gouvernements à reconduire en grande partie le budget de l’année précédente. C’est ce qui fait que la marge de manœuvre dont disposent les autorités budgétaires au moment du budget est parfois très mince. Pour créer un espace budgétaire qui ne dépend pas uniquement de l’évolution de l’économie, il leur faut se résoudre à prendre des décisions difficiles pour ralentir le rythme des dépenses, que ce soit en réalisant des gains de productivité ou en tranchant dans les programmes existants.
Contribution des gestionnaires
Bien que les choix budgétaires soient dictés avant tout par le côté politique, ils exigent néanmoins une contribution essentielle de la part de nombreux acteurs du côté administratif. L’expertise de l’administration publique est présente à toutes les étapes qui conduisent à la confection du budget, à partir de l’établissement des prévisions économiques jusqu’à l’analyse des options considérées et la formulation des mesures rendues publiques.
Une fois le budget approuvé, c’est aussi aux gestionnaires du secteur public qu’il incombe de veiller à la saine gestion des fonds publics. Cette tâche les oblige à relever de nombreux défis pour d’une part, veiller au respect des règles en vigueur (conformité) et d’autre part, s’assurer que les programmes publics atteignent leurs objectifs (efficacité) et soient produits au moindre coût (efficience).